Le jour où j’ai rencontré mon pire ennemi.

3 Octobre 2016 – Voyage et Rencontres.

Écrire est devenu moins passionnant qu’auparavant mais c’est au travers d’expériences personnelles que revient l’inspiration. J’ai donc décidé de revenir avec un nouvel article engagé et définitivement personnel.

Le voyage, c’est avant tout une somme de rencontres. Ça commence dès l’avion avec son voisin de siège et ça s’étend jusqu’au jeune balinais qui vous salue par dessus le mur de son école. On rencontre tellement de personnes que l’on ne se souviendra que d’une fraction de celles-ci lors du retour à la maison. Nombreuses sont les personnes qui ont laissées en moi une empreinte indélébile et j’ai choisi de vous présenter l’une des dernières.

Elle s’appelle Charlotte. Ce nom vous parait occidental et vous pensez bien, elle est française mais a quitté nos frontières il y a 9 ans pour un autre pays européen. Elle est plus âgée que moi de quelques 7 années.

La première fois que je rencontré Charlotte, c’était en Malaisie. Elle aurait dû se trouver à 200km de là mais le hasard en décida autrement. Au fil de la discussion, je découvrais qu’elle était originaire du même département. Quand à son voyage, elle avait pris la route en Février soit 1 mois plus tôt que moi.

Lorsque je fois sa rencontre, nous avons tout de suite accroché l’un à l’autre. Nous avions de bons sujets de discussions et heureusement, la conversation fut suffisamment courte pour que nous ayons juste le temps d’entrevoir la personnalité de l’autre. Après tout, je crois bien qu’on se plaisait.

Avant de partir, nous nous échangions nos profils sur les réseaux sociaux afin de garder contact. C’est comme ça que ça fonctionne de nos jours… Et en tant que voyageurs, on ne peut pas trop se plaindre de la technologie qui nous permet de maintenir le lien avec nos proches, nos amis et notre nouveau réseau créé au fil du voyage !

Et voilà, une rencontre de plus… Mais, j’étais loin de savoir que cette rencontre marquerait mon voyage. Après quelques échanges, on imagine pouvoir se recroiser en Indonésie car nos chemins empruntent les mêmes routes au sens près. Une aubaine quand on prend conscience de l’immensité de ce monde et des routes qu’il propose. Le destin n’y été peut être pas étranger… Qui affirmera le contraire ?

Un mois plus tard, je retrouve Charlotte à la gare de Banyuwangi sur l’île de Java, Indonésie. On s’est donné rendez-vous pour l’ascension du Mont Ijen, volcan où l’on peut observer des flammes bleues dancées au travers de la fumée provenant des entrailles de la Terre. Dès cet instant, j’appris à réellement la connaître. Elle vit à fond ! Notre hôte l’a tout juste récupéré qu’elle est déjà en train de débiter de longs monologues. Wahou, je ne voyais pas les choses comme ça. Fatigué et éteint de ma journée, je ferais profil bas, écoutant ses tirades prononcées dans un anglais parfaitement maîtrisé. C’est fluide, passionné et ça n’arrête pas ! Une vraie pipelette…

Ainsi, ce fut le début de 5 jours en sa présence. Via messages, tout s’était toujours très bien passé, à vrai dire nos journées étaient suffisamment remplies pour avoir le temps de discuter plus longuement et profondément les sujets. Désormais, il sera impossible de faire abstraction de notre personnalité, nous n’avons plus d’intermédiaire pour échanger. Enfin la relation devenait réelle et quittait le domaine du numérique.

Ainsi, il ne fallut que très peu de temps pour que je comprenne à qui j’avais à faire. Ce n’était autre que mon pire ennemi, le genre de personnes avec qui la cohabitation ne pouvait être qu’électrique et conflictuelle sans efforts mutuels.

Dans sa façon d’exister et de voyager, Charlotte était à l’opposée de moi ou réciproquement, j’étais à l’opposé d’elle. Depuis qu’elle voyageait, elle n’avait cessé de vivre à fond, de courir les endroits les plus chouettes et touristiques pour y voir les plus belles choses et y prendre les plus belles photos. Elle poursuit inlassablement le temps et ses désirs sans réel contrôle. Elle aime la qualité, l’efficacité… Et elle veut que chaque photo, chaque rencontre, chaque instant soit le meilleur ! Elle cherche définitivement à démontrer qu’elle est la meilleure au point d’en faire une quête personnelle. Tout cela rend Charlotte difficile à vivre. Elle est dure, elle use la méchanceté sous couvert de la vérité, elle me qualifie d’égoïste et a décidé de faire de même car j’ai commencé. Elle a besoin de justifier de façon rationnelle chaque acte, chaque ressenti et chaque émotion. Comme si nos émotions, nos ressentis devaient être dictés par une équation, comme si chaque action devait être justifiée. Elle agit à crédit, c’est à dire, qu’elle est dans l’attente permanente pour chaque action : je donne, je reçois. Un combat de boxe quoi ! Incapable d’accepter de donner ou de recevoir gratuitement. Tout doit être à l’équilibre à chaque instant, comme les comptes…

Une frénésie totale, Charlotte cherche continuellement la perfection et les objectifs. Elle a carrément fait sa liste des choses à réaliser dans sa vie. Non mais Allô quoi ! Personnellement, je trouve que c’est être soit même l’âne et celui qui met la carotte au bout du nez. Passé sa vie à courir après une liste… Mais après tout, c’est quand même chouette de savoir ce qu’on fait et ce qu’on veut faire en voyage. Mais lorsque Charlotte est restée à mes côtés, j’ai trouvé ça tellement naze !

Quant à moi, le jeune garçon de 22 ans, j’ai aussi voyagé au cours des 6 derniers mois et je pense que jamais je n’ai eu d’expérience personnelle plus fortes que durant ces 5 jours. Déjà, depuis quelques années, j’ai ralenti mon rythme de vie, j’ai fuit l’hyper consommation même si j’y reste consommateur quotidien. J’ai aussi commencé à me poser des questions, à chercher vraiment ma voie, celle qui se compose de ce que j’aime vraiment, ce qui me fait du bien et dont je ne me lasse. J’y ai découvert ma relation avec la nature, avec les hommes et avec la vie. Défendre cette planète, défendre ses écosystèmes et défendre la vie en sont devenus des éléments essentiels.

Ainsi, j’ai eu moins envie de remplir mon agenda et j’ai eu plus envie de me rapprocher de la nature. La comprendre et vivre à son rythme sont des quêtes compliquées tant mes passions, mes désirs et mes envies me partagent entre un monde frénétique et une vie proche de la nature. J’y essaie d’y trouver mon équilibre car je ne suis pas prêt à renoncer à tout dont principalement le sport.

Mais, si je voyage depuis Mars, c’est bel et bien car je suis à la recherche d’un équilibre et des éléments que je n’ai trouvé dans notre société actuelle, moderne et normalisée. Ainsi, en quelques mois en Asie, j’ai appris à mettre un sens sur chacun de mes besoins et de mes désirs. Un tri naturel s’est effectué. J’ai également pu me déconnecter de la norme occidentale. Oui, être normal, c’est répondre à une norme. Quelqu’un de normal, c’est triste… Ça veut dire qu’il serait comme les autres, un peu comme nos smartphones, nos voitures… Tout en fait, norme ISO 9001 ? On a tellement normalisé notre société qu’on ne s’est même pas aperçu qu’on nous a tous rendu pareil.

Ici, je me sens libre et, putain, qu’est-ce que c’est bon ! Je peux dormir par terre, dans la rue, je peux manger avec les mains sur un trottoir, roter en public, traverser n’importe où, conduire à contre-sens, parler grossièrement… Fini le politiquement correct mais rien n’empêche que je respecte les autres, que je les considère et qu’ils le font. Attention, je vous vois venir. Non, je ne prône absolument pas une absence totale de règles ou quelconque forme d’anarchie, mais en arrivant ici, j’ai peut être réalisé que dans nos pays développés, on en avait peut être trop fait jusqu’à bous rendre prisonniers des codes, de normes, de règles…

En voyage, on y apprend aussi le ralenti, la contemplation et la simplicité. Avant, je n’aimais pas le sable, ça se met partout et c’est chiant à la plage. Maintenant, j’aime me coucher dedans et me sentir en contact avec la nature. Aussi futile que ça puisse paraître, on apprend aussi de choses anodines. J’aime à contempler l’horizon, les étoiles mais aussi le sourire des locaux, le bonjour des écoliers… Tout ce qui me met en relation avec moi-même car l’autre c’est aussi moi.

Donc voilà, Charlotte et son énergie sont arrivées sur ma route. J’étais au ralenti, prêt à arrêter le temps pour profiter d’elle et installer une relation ne serait-ce qu’amicale. Mais, elle était totalement ailleurs, juste concentrée sur la recherche de l’exploit, de la performance. Elle veut tout voir, tout lire donc elle cherche des heures, contacte ses amis de route pour avoir les meilleurs spots, les meilleurs prix, les meilleures photos ! Tout doit être le meilleur et ce n’est sans me rappeler quelque chose… Oui, la norme de notre société, ne serait-ce pas cela, la compétitivité, le toujours plus, toujours meilleur ? Me voilà avec quelqu’un qui veut être meilleur sur tous les points et qui part cela tue toute relation. Je voulais juste une relation, un échange et un partage. Je me suis retrouvé avec une compétitrice, incapable de laisser le dernier mot.

En parlant de meilleure, je vais vous faire partager ma meilleure anecdote. Je discutais sur la plage avec un cinquantenaire italien des plastiques dans l’eau, de la pollution, de la culture indonésienne vis à vis de cela ainsi que de nos responsabilités de touristes jusqu’à notre rapport à la vie. Une conversation profonde centrée sur la planète et la relation des hommes comme je les aime. En revenant à la serviette, je lui expose mon plaisir d’avoir pu partager une discussion avec un homme qui est sur la même longueur d’onde que moi face à la planète. Prenant ça directement comme une critique et une attaque, elle rispota : « Mais tu n’en sais rien de ce que je pense. Peut être que je pense comme toi, j’ai quand même fait un master développement durable/environnement… J’en sais bien plus que toi sur la question ! ».

Face à une telle réaction, le calme et le détachement s’imposent. Que viennent faire des diplômes ici ? Simplement une tentative de plus de montrer une supériorité par des faits. Enfin bon, excusez moi mais les humoristes qui gouvernent notre pays ont souvent des diplômes  » prestigieux » et pourtant… Plus je les entends, plus j’ai l’impression qu’ils sont stupides. Oubliez l’impression qu’ils laissent, c’est peut être leurs diplômes et leurs statuts qui les ont normalisés pour diriger. Regardez le résultats.

Ce genre de réactions me dépassent tellement que j’ai fini par en avoir mal de la voir ainsi ! Comment peut-on être heureux en courant partout dans le simple but de visiter les plus beaux sites du monde pour en garder les plus belles photos. Pourquoi faire si compliqué ? Pourquoi consommer du paysage, du spot touristique si on ne prend même pas le temps de contempler les choses simples. D’ailleurs, toutes les choses que nous affectionnons sont issues d’éléments singuliers de notre planète. S’asseoir au pied d’un arbre, contempler le ciel étoilé, contempler les nuages, observer la mer, se reposer dans les bras d’une personne chère à nos yeux, s’émouvoir de l’arrivée d’un nouveau né… C’est simple, mais la beauté et le bien être qui s’en dégagent sont à la portée de tous, au coin de sa rue.

Donc, vous imaginez passer 5 jours avec celle qui se place comme votre pire ennemi, celle que vous cherchez à le plus éviter dans cette société. C’est long et éprouvant en émotions, une expérience unique et difficile. J’ai toujours ressenti un malaise, une souffrance en Charlotte et je n’ai eu aucune possibilité d’agir. En plus, j’affectionne particulièrement cette fille et sa méchanceté, son indifférence à mes mots sincères auront été un source de souffrance pour moi.

Mais, pourquoi ai-je ressenti tout ça à son contact ? Pourquoi est-ce que, précisément avec elle, j’ai réagi de la sorte alors que ce n’est pas dans mes habitudes ?

Et si, Charlotte, c’était le moi que j’ai connu dans le passé et face à qui je reste en conflit ? Mais oui, c’est ça… Mon pire ennemi, ça a toujours été moi. C’est pour ça qu’au contact de Charlotte tout s’est bousculé. Celui qui veut être le meilleur, celui qui veut savoir, celui qui a fait ça, ça et ça… Ça a été moi et ça le restera.

Après tout, Charlotte me ressemble même si comme moi, elle a trop de fierté pour l’admettre. On a probablement répondu de la même manière a la normalisation générée par le système éducatif. Et, le voyage m’a poussé à être là, juste à côté d’elle parmi ces milliards d’êtres humains.

Il a suffit d’une rencontre pour que le voyage se renforce et m’enrichisse un peu plus dans ce qu’on peut appeler la découverte du Soi.

Ludo.

P.S : le prénom de Charlotte a été changé.

2 thoughts on “Le jour où j’ai rencontré mon pire ennemi.

  1. Bravo mon petit,
    Ce voyage t’as permis de comprendre à 22 ans ce que j’ai tout juste commencé à comprendre et à admettre (c’est le plus difficile ! ) à partir de 50ans…
    Tu as gagné beaucoup de temps, profite pour mettre se temps gagné à profit pour vivre simplement mais pleinement ta vie !
    Fabrice

  2. cheri je te l avais dis le jour ou tu rencontre celle qui te plairas la vie decide pour toi tu ne peu rien y faire profite bien de ton voyage ta mamie et ton papi des landes

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